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Un récit de la transition écologique

1-La résilience d’une île

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L’archipel

Dix mille ans en arrière, les glaciers qui recouvraient l’écorce terrestre se sont retirés. Ils ont mis à nu une brèche profonde où s’est infiltré un fleuve encore jeune à l’échelle de la Terre : le Saint-Laurent. De Kingston à Sept-Îles, il coule dans nos rêves. Il infuse nos projets, transporte nos bateaux et nos biens de consommation. Il éclaire nos maisons. Il peuple nos romans, nos tableaux, nos airs de musique. Chaque île qui le compose est une réminiscence d’une ancienne montagne, vieille d’il y a un milliard d’années. Comme celle de Montréal, morceau de terre au confluent, archipel à elle seule. Du Lac Saint-Louis à la Rivière-des-Prairies, ses îles fourmillent de vie. Sous les couches de mousse des tourbières, sous la glace, dans les marécages et les étangs, l’eau s’infiltre partout, présence reine dans un territoire marqué par un fleuve tout aussi majestueux.

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Le long de ses rives, on trouve l’iris versicolore, l’emblème floral du Québec, mais aussi la quenouille, les nénuphars ou la châtaigne d’eau envahissante. La sauvagine, les hérons et les tortues, mais aussi la bernache qui n’hésite pas à défendre son nid. Pourtant ces berges ne sont pas juste belles. Elles nous protègent des crues et des sécheresses, nettoient les eaux de ruissellement des terres agricoles. Par la diversité de la faune et la flore qu’elles abritent, elles nous rappellent que plus une zone est diversifiée, mieux elle résiste aux crises. Pensons à la l’hyper présence du frêne vulnérable à l’agrile ou aux monocultures décimées par le premier champignon venu. Et si ce principe de diversité s’appliquait aux humains? Et si chaque culture était essentielle?

La résilience d’une communauté

Quand on tape le mot résilience dans Google, une des premières images que l’on trouve, c’est un brin d’herbe qui jaillit d’entre les craques du béton. On croise ces brins d’herbe l’été sur les dunes de sable. On les appelle ammophiles aux Îles-de-la-Madeleine, succulentes ou cactus en Arizona, ce sont ces plantes qui résistent, qui se frayent un chemin à travers l’asphalte, la terre ou les briques des maisons. Nous avons tous au fond de nous cette faille dans laquelle s’engouffre le poids de nos vies, nos regrets, nos tristesses, mais où pousse le désir de continuer à avancer, de se surpasser même quand tout autour de nous s’écroule. Ce principe n’est pas l’apanage de l’humain. Les marais représentent cet espace de résilience qui permet d’absorber les crues et ce sont les plantes aquatiques qui protègent nos maisons des élans de dame nature. Tout comme les failles qui nous habitent sont le lieu qui permet à la lumière de passer, tel que le chante Léonard Cohen.

À l’échelle de la ville, nous formons des regards sur le monde, des communautés dans lesquelles nous pouvons mener des actions variées où chacun trouve sa place, sans laisser personne derrière. Le Congrès mondial du Conseil international pour les initiatives écologiques locales (ICLEI) en est le symbole le plus probant. C’est un peu comme les Jeux olympiques : tous les quatre ans, un jury élit une ville pour accueillir cet événement international sur la base de critères qui mettent en avant le développement urbain durable. En 2018, Montréal a fièrement remporté ce défi, mettant ainsi en valeur sa contagieuse culture de concertation autour de la transition écologique. Elle a su propager le virus de la relance, avoir la piqûre verte, comprendre que la résilience se joue à différents niveaux, autant environnemental, qu’économique et social. Et tout le monde doit continuer à y prendre part : dans les rues, les arrondissements ou les entreprises.

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En milieux humides

Chaque individu a besoin de verdure, de lumière et d’air pur. Et en priorité les plus fragiles d’entre nous. Mais fragile ne veut pas dire faible. Et s’il est bien une plante qui illustre ce propos, c’est celle de la fable désormais célèbre : le chêne et le roseau. Le long du Parc des Rapides, ils poussent à foison. Des racines à la fibre cotonneuse de son fruit, le roseau aussi appelé quenouille ne possède rien d’inutile. On compare son cœur à du caviar, ses tiges à des asperges. Ses feuilles dures, piquantes se tissent en tapis, en panier et en papier grâce au soin et savoir autochtone. Elle est le signe des berges et de ses trésors cachés. Sentinelle de l’eau qui dort. Tout autour de l’île, elle nous rend résilients sans même que l’on s’en rende compte. Elle agit à l’abri des attentes. Tout comme les partenaires et les citoyens et citoyennes de la relance verte, un peu de toi un peu de nous, partout dans la ville.

3-Une oasis dans le béton

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Le Jardin Notman : une oasis dans la jungle de béton

Au coin des rues Sherbrooke, Clark et Milton survit un boisé. Un ancien jardin qui résiste aux projets de construction qui se sont étalés de 1990 à nos jours et demeure intouché. Coincé entre la Maison William-Notman et la station-service, au 60 rue Milton, l’ancien jardin de l’hospice St Margaret est devenu le penchant sauvage du square Saint Louis. Depuis la clôture grillagée, on sent la fraîcheur d’une enclave d’arbres existant depuis 1893, où se côtoient aujourd’hui des sentiers en friche, les fantômes d’anciens malades et des espèces rares. Un lieu mythique pour une simple cour arrière de maison classée où la nature a repris le dessus.

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On y croise des ormes qui adoucissent les bruits de circulation et dissimulent les gratte-ciels, des érables argentés dont les troncs mesurent près d’un mètre de diamètre. Des marronniers d’Inde, des féviers, des lilas, un if et des chèvrefeuilles. Tout cela sur quelques dizaines de mètres carrés en plein centre-ville. Ce coin de verdure à deux pas du centre-ville est une véritable oasis dans un milieu urbain qui s’est développé à grands pinceaux d’asphalte. Cette seconde peau minérale n’affecte pas seulement l’écoulement de l’eau, mais elle absorbe la chaleur et crée des îlots où la température de l’air peut augmenter de plus de 12 degrés Celsius comparé aux milieux voisins.

Quand on combine cet effet avec une vague de chaleur, ce sont les plus vulnérables qui en souffrent, aggravant les maladies et entraînant des pertes dans la communauté. La solution? Planter et protéger les arbres urbains. En plus d’absorber les eaux des pluies, les arbres filtrent l’air, rafraichissent les quartiers et abritent une grande diversité d’espèces. Ils améliorent la qualité de vie et la santé de tous. Parmi ceux qui grandissement dans le jardin Notman, connaissez-vous le chicot du Canada? Aussi appelé Caféier du Kentucky, il produit des gousses dont vos grands-parents torréfiaient peut-être les graines comme du café. Sur les trois chicots adultes du jardin, on décèle un ou deux centenaires, parmi les plus vieux de la ville. Un miracle quand on sait la croissance lente de ces grands sujets.

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L’urgence de la lenteur

Le meilleur moment pour planter un arbre c’était il y a 20 ans, dit un vieux dicton chinois. Face aux défis qui nous attendent, aux catastrophes climatiques et aux actualités qui défilent à la seconde, on peut vite sombrer dans l’angoisse ou le pessimisme. Pourtant, depuis près de 30 ans, bien avant le sommet de Montréal en 2002, le Mouvement Citoyen pour la Préservation du Jardin Notman s’est lancé le pari de protéger ces arbres anciens et de mettre en valeur son patrimoine culturel. Malgré son changement de vocation, ce lieu continue de servir à la protection des plus vulnérables. Ces personnes sont comme nous. Elles travaillent dans un hôpital ou une imprimerie, sont gestionnaires de fonds d’action, intervenant.e.s dans un OBNL, étudiant.e.s, employé.e.s de start-up, ou indépendant.e.s. Elles ont planté des milliers arbres, intégré le compostage alimentaire dans une tour à bureau de centaines d’employés, créé des corridors verts,, imaginé une ville comestible, mais aussi fait des rencontres, pris le temps de s’arrêter, de réfléchir. Autant de pistes à explorer ou approfondir avec le Plan climat que nous réserve la ville.

5-L’aventure de l’agriculture urbaine

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Ensemencer les idées

Les idées sont comme les graines, elles ont besoin de temps, d’un contexte fertile et d’une imagination folle pour contourner les obstacles. Au Québec, les traditions regorgent de l’ingéniosité des peuples qui y ont habité. Malgré la rigueur du climat, on transforme et conserve les fruits des récoltes afin de subsister jusqu’à la saison nouvelle. Des trois sœurs des jardins autochtones aux caveaux des paysans du siècle dernier, les méthodes évoluent et se mélangent d’autant plus que de nouvelles coutumes alimentaires émergent avec l’arrivée de diverses cultures.

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En ville, les solutions se multiplient pour éviter de faire parcourir de longues distances aux aliments et nourrir une population grandissante malgré le manque de terres propices à l’agriculture et les changements climatiques. Que ce soit dans les jardins communautaires, sur les toits, les terrasses ou dans les ruelles vertes, des potagers autonomes essaiment de plus en plus dans la région. En effet, 42 % des Montréalais pratiquent l’agriculture urbaine et certains l’ont adoptée depuis plus de 10 ans.. Les citoyennes et citoyens rivalisent d’ingéniosité pour faire face aux problématiques de l’hiver. Certains créent des toits verts ou des serres souterraines pour conserver la chaleur même par -20 degrés. D’autres font le pari audacieux de ramener l’esprit des pays du Sud jusque dans les serres. C’est le cas de Hamidou Abdoulaye Maïga, horticulteur d’origine nigérienne qui s’est lancé dans une grande aventure : faire pousser des plantes d’Afrique et d’Amérique du Sud dans les jardins du Québec.

Le magicien des cultures

Ses serres installées à Verdun abritent un potager hors du commun où le baobab y côtoie le bissap ou les plants d’arachides. Oui, vous avez bien lu. Une serre aux couleurs africaines, comme un miracle au milieu de l’hiver québécois. Cet horticulteur a multiplié les expérimentations pour apprendre à connaître les sols et adapter ses cultures au climat nordique. Il cultive des légumes ethniques, anciens et autochtones pour faire voyager les parfums, satisfaire les souvenirs et le bonheur d’immigrants, descendants d’immigrants ou voyageurs, les personnes aimant découvrir de nouvelles plantes et saveurs, les projets communautaires et d’agriculture urbaine désireux de faire pousser des plantes d’ici, d’ailleurs, et d’avant.

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L’arbre de vie

Parmi elles, le baobab est peut-être le plus étonnant. On le reconnaît à son large tronc pouvant mesurer jusqu’à 30 à 40 mètres de haut et ses branches en forme de racines. Chez lui, rien n’est inutile : ses fruits, ses feuilles, mais aussi ses racines constituent d’importantes denrées alimentaires et médicinales. Son écorce est même utilisée pour la fabrication de tissu. Sous nos latitudes, il peut aussi se conserver à l’état de bonsaï. Sur les balcons, sur les toits et dans les jardins communautaires les différentes pratiques de l’agriculture urbaine répondent à la demande grandissante d’aliments produits localement. En plus d’embellir le paysage urbain, de réduire les îlots de chaleur, d’absorber les eaux de pluie, attirer les pollinisateurs et favoriser la biodiversité, elles offrent un moyen opportun de sensibiliser la population aux enjeux liés à l’alimentation, dont le gaspillage alimentaire et à la réduction des déchets, deux grands défis de la transition écologique.

7-Imaginer Montréal en 2030

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Le futur des friches urbaines

Quoi de plus poétique que l’espace incertain des friches ? À Montréal, les terrains vagues sont nombreux : ce sont des lieux propices à réinventer la ville. Autre richesse montréalaise : les artistes sont des acteurs incontournables pour nous permettre d’imaginer la ville dans laquelle des générations de Montréalaises et de Montréalais rêveront de vivre. Un Montréal qui a réussi sa transition écologique tout en améliorant la qualité de vie de toutes et tous. Pour cela, les actions et les orientations du Plan Climat s’inspirent du principe Haudenosaunee de la septième génération. Il implique d’évaluer chaque décision prise aujourd’hui en ayant conscience de ses répercussions jusqu’à la septième génération à venir. Aujourd’hui plus que jamais, les liens se tissent entre les crises qui affectent les différents peuples, les inégalités, les attaques au territoire et à la nature. Les solutions demandent de repenser notre posture face au vivant et entre les différentes cultures.

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Le contexte de la pandémie a démontré combien les espaces publics extérieurs sont précieux aux yeux des citoyennes et citoyens. Pour preuve, Montréal a vu son achalandage dans les parcs-nature et parcs urbains augmenter ces derniers mois. Certaines zones sauvages en plein cœur du centre-ville font particulièrement rêver. On peut y trouver un sentiment d’appartenance et de liberté. Et si nature et culture se mélangeaient pour nous guider vers une vision harmonieuse de l’avenir?

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Le Champ des possibles

À deux pas des galeries d’art de la rue de Gaspé, dans le quartier du Mile-End, des enfants jouent entre les herbes aussi hautes qu’eux et taquinent les abeilles. Des sentiers verdoyants bordés d’arbustes et de fleurs colorées ont remplacé une ancienne zone industrielle des années 1980. Dans le passé, la friche a tour à tour abrité une gare de triage, un dépotoir, et avant cela encore une ancienne carrière dont la pierre extraite a servi à la construction de l’église Notre-Dame. Aujourd’hui, on reconnaît l’espace urbain qu’est le Champ des possibles à son allure sauvage qui contraste avec les pelouses bien tondues des parcs plus communs. Ici, seules quelques envahissantes sont arrachées à la main par des bénévoles au cœur vert. Ils sont soucieux de conserver des espaces poétiques, libres de tout cadre parmi ce quartier désormais symbole d’innovation, de jeux vidéo et d’intelligence artificielle. Ici, des mouffettes, des renards et des faucons pèlerins côtoient des hipsters. Ici, des concerts et des cueillettes urbaines s’improvisent sous la cornette des Carmélites. Le Champ des possibles nous offre la vision d’un territoire réinventé, le temps de sept récits, pour les générations à venir.